Journées culturelles mbvumbo : un pont vers l’identité et le développement !

Bind

Jean-Max Bind Timbi, Président du Comité technique d’organisation desdites journées, a rencontré la presse à Yaoundé, le 18 décembre 2025. Télesphore Mba Bizo revisite les enjeux et la portée des « Mintur mi Nlar Mbvumbo ».

«Mintur mi Nlar Mbvumbo »


Le phrasé est la désignation vedette et de baptême des Journées culturelles à la une. En traduction directe, ce sont les « Festivités de l’Alliance du peuple mbvumbo ou ngoumba ». Elles sont prévues à Lolodorf du 26 au 28 février 2026. Le rendez-vous promet des étincelles en termes de déploiement artistique, culturel et de voyage-retour vers l’authenticité. Il s’agit d’une communauté éparpillée dans au moins trois arrondissements. L’enclavement continue de les tenir distants, les uns vraiment détachés des autres. «Mintur mi Nlar Mbvumbo » intervient donc pour lancer une sorte de pont aérien destiné à desservir les localités Mbvumbo et à les abreuver en savoirs immatériels.
Les Journées culturelles représentent des festivités patrimoniales. Elles constituent un outil stratégique de survie de la culture séculaire et du développement du Mbvumbo comme Homme. Les Mbvumbo sont dispersés et confrontés à l’érosion de leurs repères. Lesdites journées viennent réactiver la mémoire collective. Elle est indispensable quand il est question de construire une conscience communautaire stable. Les peuples qui survivent transmettent leurs langues, leurs récits fondateurs (sur un Minkoua Ntounga) et leurs pratiques symboliques. De telles communautés renforcent leur capital social, leur capacité d’organisation et leur résilience face aux mutations contemporaines. Les personnes du troisième âge sont attendues à Lolodorf. Elles viennent dans le but de restituer un peu de leur science aux plus jeunes. C’est un cadre de reconnaissance des savoirs. Les jeunes en question vont apprendre un peu plus au sujet de leur identité. C’est au moyen de la connaissance de la langue, de l’oralité, des rites et de la solidarité communautaire. Une telle approche est de nature à réduire la rupture intergénérationnelle et prévient l’aliénation culturelle. Sur le plan économique, ces journées créent une chaîne de valeur locale avec l’artisanat, la gastronomie, l’agriculture, le tourisme culturel et l’économie événementielle. La culture devient alors un levier mesurable de croissance, de cohésion sociale et de projection collective vers l’avenir.

La portée nationale des Mbvumbo-Ngoumba


Les Journées culturelles mbvumbo sont également un rendez-vous national. Le Cameroun doit au peuple en question quelques-uns de ses fils illustres. Jean Bikanda a servi le pays comme Commissaire général à l’Information à l’amorce des indépendances. Emmanuel Nguiamba Nloutsiri a été Directeur général à la Cameroon Telecommunications, CAMTEL. Charles Ndongo, mbvumbo par le parent le moins contestable, la mère, est Directeur général de l’Office de radiodiffusion télévision camerounaise, CRTV. David Minkoussè et Philippe Nouanga ont occupé les mêmes fonctions au Laboratoire national de génie civil, Labogénie. Magloire Nguiamba a servi le Cameroun comme gouverneur. Samuel Minkio Bamba est le père de la musique de l’hymne national. Anne-Marie Nziè reste une chanteuse de premier choix. Mbvoum Mayoh a été Lion indomptable.

« Nlar Mbvumbo »


L’Association culturelle et traditionnelle a une existence juridique depuis quelques années. Elle a le mérite d’être connue et acceptée dans les villages concernés. Des volontaires font l’effort de l’animer avec des bouts de ficelle. Des bénévoles continuent de tenir, malgré la modicité des moyens et la complication à ramener les sceptiques dans les rangs. Des dignitaires traditionnels y prêtent déjà l’oreille et même une main forte. Les élites politiques et administratives font également montre d’un intérêt parfois distant. Nlar Mbvumbo en est encore à un contexte de chasse. Les enfants ont la chance d’avoir la vipère en mains. Mais le reptile les amuse encore. Ils ne savent pas qu’ils détiennent le repas des aînés. Nlar Mbvumbo gagne à devenir l’affaire des adultes. Les « Festivités de l’Alliance du peuple mbvumbo ou ngoumba » représentent un début de solution à la démarche de maturation souhaitée. Résoudre le problème du manque de maturité est indispensable à titre de balises censées jalonnées la route du Nlar Mbvumbo vers le progrès.

«Mintur»


Le mot fait partie des termes de baptême de l’événement de Lolodorf. Il ne s’agit pas d’un fait de hasard. Le «Mintur» est un mouvement financier mbvumbo. Il aligne déjà au moins un quart de siècle. Ses membres se recrutent à Yaoundé, à Douala, à Kribi, à Lolodorf et à Garoua. La France, le Gabon et les États-Unis représentent la diaspora la plus intéressée. Son flux financier mensuel bat le cap de la dizaine de millions de francs CFA. Les Mbvumbo, les Fang, les Bassa et les Bulu y injectent leurs forces financières chaque dernier ou premier vendredi du mois. Il est question, à l’origine, de faire la fête. Le terme «Mintur» est un nom au pluriel. Le verbe qui en exprime l’action est « turè », notamment festoyer dans une ambiance de clair de lune autour du feu de bois avec la reprise des contes patrimoniaux. Christophe Minkoua et Patrice Albert Nlongbvouo sont les pères fondateurs des «Mintur» désormais présidés par Luc Marie Bibiang. Le basculement en une micro-finance est l’une des attentes majeures du moment. Les rencontres mensuelles ont installé une culture financière, une tradition du remboursement, une incitation aux emprunts et des clauses de reddition des comptes. Cet esprit de la finance solidaire, une fois dupliquée dans le Nlar Mbvumbo, devrait porter et mener l’Association vers un équilibre plus maîtrisé.

ÉPA comme action de grâce culturelle


Les Journées mbvumbo n’interviennent pas dans un désert culturel, encore moins dans un vide symbolique. Elles s’adossent à un socle vivant et déjà structuré. L’Église protestante africaine, EPA, constitue l’un des principaux viviers. Depuis 1934, EPA a été un conservatoire efficace de la langue, des chants, des rythmes, des codes sociaux et de l’éthique communautaire mbvumbo. Elle a assuré, parfois à son insu, la continuité des formes culturelles en contexte de mutation. Les cantiques, la liturgie contextualisée, l’oralité biblique traduite et appropriée ont permis de préserver un capital culturel que d’autres espaces ont vu s’éroder. Dès lors, penser ces Journées comme une rupture ou une invention ex nihilo-relèverait d’une erreur stratégique. Il ne s’agit pas de réinventer la roue. Le plus important consiste à capitaliser sur l’existant, à élargir ce patrimoine vivant à d’autres expressions culturelles et à le projeter dans un cadre laïc, festif et économique.

La fausse querelle Mbvumbo pour Ngoumba


Les Camerounais appellent les Mbvumbo par le terme Ngoumba. Il est d’origine bassa. C’est issu de Ngoumbè. Les intéressés, eux, revendiquent l’ethnonyme Mbvumbo et récusent l’appellation Ngoumba. Cette revendication est légitime sur le plan identitaire. Mais elle se heurte à une difficulté majeure : elle se déploie dans un espace communicationnel quasi fermé. Ses tenants ne parlent qu’à eux-mêmes. Or, une identité qui ne circule pas n’existe que partiellement. Elle ne devient sociale que lorsqu’elle est reconnue, comprise et partagée.
La question posée est un problème de communication. La finalité première d’une langue n’est pas l’authenticité. C’est la transmission de l’information. L’authenticité vient ensuite, comme valeur ajoutée. Un terme n’existe socialement que s’il est opérationnel, c’est-à-dire immédiatement intelligible pour le plus grand nombre. À ce stade, Ngoumba transporte objectivement plus d’informations dans l’espace national camerounais que Mbvumbo, parce qu’il est déjà inscrit dans les usages, les récits et les représentations collectives.
L’histoire universelle abonde en exemples éclairants. Le mot Cameroun lui-même est d’origine portugaise et signifie « crevette ». Aucun Camerounais ne se reconnaît dans la peau d’une écrevisse. Pourtant, nul ne songe sérieusement à rebaptiser le pays. De même, France est un mot d’origine germanique. Il est issu des Francs. Les Français n’y voient aucune atteinte à leur identité. Ces dénominations exogènes, parfois approximatives ou historiquement datées, sont devenues des signes stabilisés, porteurs d’une identité assumée et partagée. La diversité des origines lexicales constitue un héritage, non une humiliation. Vouloir imposer, par prescription unilatérale, le terme Mbvumbo au détriment de Ngoumba, relève dès lors d’une stratégie inefficace, voire contre-productive. Les usages ne se décrètent pas. Ils se négocient, s’installent par superposition, cohabitation et glissement progressif. La solution la plus rationnelle consiste donc à superposer les appellations : Ngoumba (Mbvumbo), puis Mbvumbo (Ngoumba), jusqu’à ce que le terme endogène s’insère naturellement dans les usages courants.
Le mot qui gagne n’est pas celui qui est le plus pur. Il est surtout celui qui convainc, circule et agit. Refuser Ngoumba revient à se priver d’un capital de visibilité déjà constitué. L’utiliser comme vecteur de transition permet au contraire d’installer Mbvumbo dans l’espace public, national et international. La reconnaissance identitaire ne se conquiert pas par le retrait. Elle s’opère plutôt par la pénétration des usages dominants. En communication comme en politique symbolique, on ne supprime pas un signe efficace : on le reprogramme.

Par Télesphore Mba Bizo

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